Tout le monde connaît les coiffures iconiques de l'artiste protéiforme - né le 8 janvier 1947, mort le 10 janvier 2016 - mais qui sait qu'il a terminé sa vie chauve comme un oeuf ?
Ce qu’il a réussi de mieux dans sa carrière ? Ses brushings. Nulle intention ici de lui faire offense. Comme tous, nous adorons David Bowie à un point honteusement convenu. C’était le chanteur de nos plus vigoureuses années. N’empêche, n’a-t-il pas été le premier à l’admettre ? Bowie chauve, et voilà qu’on se retrouve avec Pascal Obispo. Ce n’est plus la même rengaine. « Ce que je voudrais qu’on retienne de moi ?, s’interrogeait l’artiste protéiforme quinze ans avant de disparaître. Un chanteur qui avait de belles coiffures. » On a vu pire comme épitaphe… Sa mort nous a rendus d’autant plus inconsolables qu’elle a rendu l’insubmersible vulnérable. David Bowie, c’était Dorian Gray tenant dans un écrin pelliculaire, un cheveu comme rempart à la décrépitude. Mais nous le savons maintenant : “Starman” a fini sa vie sans un poil sur le caillou, crâne nu à devoir affronter l’ultime épreuve : Blackstar et Lazarus, ses dernières vidéos, c’est avec une chevelure postiche qu’il a dû les tourner.
Un mois exactement après sa mort survenue le 10 janvier 2016, Teddy Antolin, le coiffeur historique de David Bowie, DISPARAISSAIT à son tour, emportant avec lui les derniers secrets de la légende.
Teddy Antolin, de mèche avec Bowie.
Cet homme clé du dispositif Bowie ne s’était pas contenté d’organiser la rencontre avec son épouse Iman, il était également à l’origine de la signature esthétique du chanteur, aussi changeante qu’un arc-en-ciel après l’orage. Né lui aussi en 1947, Teddy était à Bowie ce que Tchang était à Tintin : un alter ego prolongeant la course du soleil. D’origine japonaise, ce coiffeur américain formé par le styliste de Marilyn Monroe, George Masters, avait inventé la teinte orange de Ziggy Stardust tout comme le blond platine de Let’s Dance, jusqu’à façonner l’artiste en vieux sage du rock à l’aube des années 2000, plus sobre mais non moins surprenant avec sa coupe David Hallyday sur l’album Hours. C’est là qu’un mystère survint : comment, à 53 ans, David Bowie pouvait-il avoir plus de cheveux qu’à 20 ans ? Pourtant, aucune hair line à l’horizon… C’est la magie, tout le génie de Bowie, et probablement aussi de son bon vieux Teddy, avec l’aide de quelque main chirurgienne. Mais chut, nous aurait signifié David Bowie si on lui avait posé la question, un doigt sur ses lèvres entrouvertes, découvrant une dentition aussi parfaite que ses tifs en plastique.
50 shades of Dorian Gray.
En même temps, ses cheveux, maintenant, on s’en moquait un peu, ce qu’on attendait de Bowie c’était de l’inspiration, une source légèrement tarie depuis le milieu des années 1980. Contre toute attente, ce rendez-vous a été honoré. Il a fallu tout y sacrifier chez celui qui aimait autant les peignes que les micros. En janvier 2015, David Bowie se présente au studio de son producteur Tony Visconti avec une casquette vissée sur le crâne. « Je veux faire un nouveau disque », confie le chanteur en ôtant son couvre-chef. Et là, stupéfaction, le producteur découvre l’impensable: David Bowie a opéré l’ultime métamorphose dans sa galerie de personnages. Plus un cheveu qui dépasse. La chauvitude ! Mais le caméléon, dans sa dernière salve, a décidé de partir à la conquête de lui-même. C’est sans encombrement qu’il lui faut voyager pour se mettre à nu. David Bowie, avec ses cheveux tragiquement fins, chante avec la vérité d’un nouveau-né. Toute une vie, il n’aura cessé de jouer à cache-cache avec ce qui se dérobait dans sa voix, et là, enfin, au plus près de lui-même, délesté du poids des apparences, c’est la peau que l’on entend. L’album Blackstar touche au sublime. Bowie a gagné la bataille : libre et le pied léger, comme David attachant Goliath par les cheveux. Ludovic Perrin